Vincenzo D’Andrea
Directeur Commercial
Château Lascombes
Margaux
2ème Grand Cru Classé 1855
Gerda : Vous êtes arrivé à Bordeaux en février. Le défi commercial d’un Cru Classé comme Lascombes est-il le même que celui de Bibi Graetz, où vous travailliez récemment ?
Vincenzo d’Andrea : Le contexte global est exactement le même, et nous nous adressons aux mêmes clients à travers le monde. Il est primordial de prendre le temps de comprendre les aspects commerciaux d’un Second Grand Cru Classé avec une histoire aussi longue. Ma première mission est d’évaluer la situation actuelle – “l’état des lieux” – afin de bien appréhender ce qui se passe aujourd’hui. Durant mes deux premiers mois, je n’ai pas été aussi proactif sur le marché qu’auparavant, préférant écouter et échanger avec un maximum de personnes, en commençant par nos partenaires principaux, les négociants. L’écoute est essentielle pour comprendre l’ensemble du tableau. Ce domaine a des siècles d’histoire et il est indispensable de ne pas tout changer du jour au lendemain sans en comprendre les fondements. Ce qui est formidable, c’est que le propriétaire américain actuel a immédiatement reconnu le potentiel du Château Lascombes. Avec les bons ingrédients, il peut retrouver la place qu’il mérite vraiment.
Une stratégie axée sur un retour aux sources
G : Pouvez-vous nous parler de la nouvelle stratégie de Lascombes ?
Vincenzo : Tout d’abord, il s’agit de revenir aux origines. En commençant par la production, Axel Heinz souhaite revenir aux terroirs d’origine de 1855. Pour ce faire, nous nous recentrons sur nos vignes de Cabernet Sauvignon, plantées tout autour du domaine – soit environ 60 hectares sur nos 115 hectares au total. Quant aux autres acquisitions effectuées au cours des 100 dernières années, principalement composées de Merlot, elles seront destinées à notre second vin, Chevalier de Lascombes, à l’exception d’une petite parcelle appelée La Côte, réservée à un projet passionnant. Le millésime 2022 issu de cette parcelle sera d’ailleurs commercialisé en fin d’année. Notre objectif principal est de recentraliser la qualité et la production de nos vins en phase avec ce que représentait la classification de 1855.
Un changement de style et de volume
G : Cette nouvelle stratégie impactera-t-elle à la fois le style de Lascombes et la quantité produite ?
Vincenzo : Oui, à partir du millésime 2024, Lascombes changera tant au niveau de la vinification que de la production. Les proportions seront totalement inversées. Auparavant, nous produisions 70 % de Lascombes et 30 % de Chevalier de Lascombes. Désormais, nous visons l’inversion complète.
G : Cela implique également un changement radical dans le style du vin.
Vincenzo : Tout à fait. Lors d’une dégustation approfondie avec Axel ce matin, nous avons comparé les millésimes 2023 et 2024. Le 2024 se distingue par sa précision remarquable : un vin net, direct et riche en détails. Il exprime une fraîcheur magnifique, qui manquait quelque peu aux millésimes précédents, souvent plus opulents. Nous retrouvons ainsi un véritable style Margalais pour Lascombes, qui avait été éclipsé par la philosophie de vinification de l’ancien directeur du château.
Une stratégie bien reçue sur le marché
G : Avez-vous déjà une idée de la réaction du marché face à ces changements ?
Vincenzo : Après une première analyse de la situation actuelle sur la Place de Bordeaux, j’ai voyagé pour rencontrer les principaux acteurs du fine wine, en Europe et en Asie. Il est essentiel, à ce stade, d’être proche des marchés, de comprendre les dynamiques et les besoins spécifiques de chaque partenaire. La réaction du marché au projet est très positive : j’ai trouvé en Europe un terrain très réceptif, de l’intérêt, et des partenaires stratégiques sur les marchés clés, prêts à s’engager et à nous accompagner dans ce nouveau développement. En Asie, marché historique pour Château Lascombes, la marque est très forte et bien distribuée. L’objectif était donc de se reconnecter avec les acteurs historiques, de rétablir un lien et de planifier les prochaines étapes. Dans les deux cas, je suis très satisfait des retours reçus, tant pour la campagne primeur 2024 que pour les livrables 2025.
Un repositionnement stratégique
G : Le marché chinois restera-t-il une priorité pour Lascombes ?
Vincenzo : L’intérêt subsiste bien sûr. Mais nous élargissons aussi notre stratégie sur l’Europe et d’autres marchés stratégiques.
G : La Place de Bordeaux joue-t-elle toujours un rôle essentiel pour Lascombes ?
Vincenzo : Oui, mais nous allons travailler avec un nombre plus restreint de négociants engagés, plutôt que de multiplier les partenariats opportunistes.
Attirer la génération Z au vin
G : Comment attirer la génération Z vers le vin ?
Vincenzo : Nous devons changer notre façon de communiquer. Le vin est souvent perçu comme un produit complexe et intimidant. Nous devons le rendre plus accessible en adoptant un langage simple et inclusif.
G : Pensez-vous que le vin peut être intimidant ?
Vincenzo : Oui, surtout pour les jeunes consommateurs. Il faut rendre le vin plus attrayant en modernisant notre communication tout en restant fidèles à notre héritage.
G : Pouvez-vous dire quelques mots sur le millésime 2024 ?
Vincenzo : Le 2024 s’inscrit dans la continuité des millésimes 2022 et 2023, marquant un retour progressif à un style plus précis et élégant. C’est une évolution mesurée, alignée avec notre stratégie de repositionnement.
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE« davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.