Inside La Place – Agriculteur & Eco-responsable 

Damien Barton Sartorius 

 Co-gérant

En poste depuis 2015

Château Léoville Barton

2nd Grand Cru Classé, Saint-Julien

Château Langoa Barton

3ème Grand Cru Classé, Saint-Julien


 

Gerda : Parlez-nous de vous…

Damien Barton Sartorius : Je suis originaire du Médoc, j’ai grandi ici. Je suis un agriculteur, un homme de la terre. Mes grands-parents m’ont emmené plusieurs fois en safari en Afrique du Sud, où j’ai été émerveillé par la nature splendide et les magnifiques animaux. Cette expérience m’a inspiré une passion pour les animaux, et j’ai passé un an en Afrique du Sud en tant que guide de safari. 

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Damien Barton Sartorius : Le défi principal est de ne pas essayer de tout faire en même temps. J’ai une équipe à encadrer, des travaux à effectuer au château, des voyages à planifier et des projets personnels en cours. C’est une maladie courante chez les jeunes de vouloir tout faire en même temps, mais je crois qu’il est important de prendre chaque projet un par un. Heureusement, j’ai une équipe solide en qui j’ai confiance. En tant qu’entreprise familiale, il est important d’être présent. De plus, j’aime être celui qui peut tout faire. Quant à mes projets personnels, j’ai lancé une société de négoce pour vendre des vins à faible empreinte carbone, comme des vins en vrac et des marques de vin à bouteilles consignées. J’ai lancé ce projet parce que je crois que beaucoup de gens ont oublié les racines de Bordeaux. Il y a trente ans, les Grands Crus Classés n’étaient pas un produit de luxe. Aujourd’hui, les châteaux sont maîtres de leur destin, mais le client n’est pas toujours roi. Je me sens obligé de lancer ce projet pour aider les autres vignerons et pour remettre les vrais principes du commerce au centre des préoccupations. Ce projet me pousse à me battre et à trouver des solutions pour aider les négociants et leurs clients.

 


Vendanges 2022

 

Gerda : Pourriez-vous me donner un souvenir des vendanges 2022 ?

Damien Barton Sartorius : La sécheresse et la chaleur ont marqué ce millésime. Bien que nous ayons malheureusement perdu quelques arbres et quelques pieds de vigne, dans l’ensemble, les vignes ont résisté avec succès. Ce millésime 2022 est le premier vinifié par gravité dans notre nouveau cuvier, et le résultat est magnifique. Le vin a un bel équilibre avec des tanins élégants et on ne retrouve pas ce côté « cuit » comme dans le 2018 ou le 2020.


La marque Léoville Barton aujourd’hui et demain

 

Gerda : Quel positionnement souhaitez-vous pour votre marque ?

Damien Barton Sartorius : Notre stratégie est la même que celle mise en place par mon grand-père Antony : notre vin doit être bu ! Nous pourrions vendre Léoville Barton deux fois son prix actuel, mais cela nous amènerait à avoir un autre type de consommateur. Nous ne cherchons pas à gagner plus d’argent pour vivre luxueusement et nous ne sommes pas non plus dans un monde où l’ego joue un grand rôle. Léoville Barton est dans le Top 10 des vingt Bordeaux les mieux notés, et nous en sommes ravis, mais notre stratégie ne changera pas. Léoville Barton se vend immédiatement en Primeur et donne de la marge à toute la filière.

G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?

DBS : La force de Léoville Barton est qu’il n’a jamais changé de style. Mon grand-père a toujours mis en avant son caractère « drinkable » grâce à son acidité qui est son ADN et qui le rend agréable. Bien qu’il soit peut-être plus élégant et plus équilibré aujourd’hui, son ADN n’a pas changé. C’est l’acidité qui porte le vin dans son temps. Léoville Barton n’est peut-être pas la bouteille dont on parle le plus pendant une soirée, mais elle est souvent la première bouteille vide. C’est un grand compliment pour le vin.

G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?

DBS : Notre nouvelle réalisation est le nouveau cuvier gravitaire dans lequel le millésime 2022 a été vinifié pour la première fois. Nous avons maintenant 43 cuves en bois, contre 28 auparavant. Les nouvelles cuves ont une contenance variant de 200, 150, 110 et 80 hectolitres, ce qui nous permet de faire davantage de vinification parcellaire et avec plus de précision. Nous avons également de nouveaux pressoirs qui nous permettent d’obtenir un vin de presse plus précis. Le vin de presse est très important pour nous.

G : Comment abordez-vous la question de la transition écologique dans vos propriétés ?

DBS Nous préférons agir concrètement plutôt que de faire du « green washing ». À Langoa Barton, nous avons opté pour des bouteilles plus légères, ce qui réduit de 60% le poids de transport. Nous utilisons également des cartons produits localement, dans l’Entre Deux Mers, sans produits chimiques, 100% recyclables et compostables. Nous demandons un supplément pour les caisses en bois.

En ce qui concerne nos vignes, le débat n’est pas pour moi de savoir s’il faut faire du bio ou non. Bien que je sois favorable au bio, ce n’est pas la solution à Bordeaux en raison de notre taux d’humidité. Le cuivre, bien qu’étant un produit naturel, reste toxique. Nous préférons utiliser la prophylaxie en prenant des mesures pour éviter que les vignes ne tombent malades, par exemple nous faisons des tranches en bas des rangs des vignes où l’eau stagne pour éviter des maladies. C’est simple et c’est préventif.


Le commerce

 

Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ? 

Damien Barton Sartorius : Ils sont différents pour nos deux marques. Léoville Barton est vendu par la place de Bordeaux depuis longtemps. Nous avons une importante distribution aux États-Unis et en Europe pour ce vin. Je suis très à l’aise avec une forte implantation en Europe. Si je devais me rendre à New York pour promouvoir Léoville Barton, je produirais une empreinte carbone de 5 tonnes, ce qui n’est pas écologiquement responsable, non seulement pour mes voyages, mais aussi pour le transport du vin. C’est la même chose pour Langoa Barton, qui est vendu à 70% en Europe. La proximité de ce marché réduit concrètement l’empreinte carbone de ce vin. Nous voulons maintenir et même développer ce marché. Le marché asiatique est petit pour nous et représente seulement 10% de notre distribution. Nous sommes à l’aise avec cette situation.

Je pense toujours à la question suivante : depuis 300 ans, nous produisons du vin, mais que devons-nous faire pour que l’on puisse encore produire du vin dans 200 ans? À cette question, je refuse de rester inactif !

G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?

DBS : Nous avons bien sûr notre site internet et notre compte Instagram. J’ai aussi mon propre compte Instagram car j’aime beaucoup communiquer directement avec les consommateurs. Il faut briser les codes car Bordeaux fait toujours un peu peur. J’adore lorsque les cavistes m’appellent pour partager leurs expériences ou leurs remarques. Cette année, j’ai pris la décision de mettre un petit mot dans chaque caisse pour renforcer le lien avec le consommateur. Nous sommes ravis de recevoir des personnes sur la propriété, nous avons même reçu une demande de mariage dans la vigne et une demande pour disposer les cendres d’une personne pour qui Leoville Barton était le vin préféré.

Il ne faut pas oublier que nous sommes des agriculteurs et non des « marketeurs » et nous ne contrôlons rien, mais nous restons ouverts et accompagnons les changements.

G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? et pourquoi ?

DBS : Les millésimes 2017 et 2021, mais pour des raisons différentes. 2017 a été impacté par le gel, mais beaucoup de gens oublient que notre terroir est protégé par l’estuaire, et notre vignoble n’a pas été affecté. Les raisins ont pu mûrir, ce qui a produit un grand vin! C’est comme les millésimes 2011, 2012 et 2008, qui étaient hétérogènes mais très bons chez nous. 2021 est excellent car il n’a pas trop d’alcool. Il a de très beaux tannins précis avec beaucoup de fraîcheur. Ce n’est pas comme 2018, 2019 ou 2020, qui pour moi, ne sont pas des vins de Bordeaux, mais qui me font davantage penser à Sassicaia. 2021 ressemble à 2001 et 2014, qui ont été jugés trop tôt. Il est un petit peu végétal mais cela rend le vin très bon. Je trouve la perfection ennuyeuse !

G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?

DBS : Nous vendons 80 à 90% de notre production en Primeur. Nous avons un tarif mais avec des prix qui sont protecteurs pour le marché. Nous ne mettons pas la pression sur nos partenaires de la Place en organisant des mises en marché. Nous ne sommes pas une société cotée en bourse, donc notre approche est différente de celle des directeurs de propriétés qui doivent répondre à des exigences financières d’actionnaires. En tant que société familiale, notre approche est plus réfléchie et long terme.


La bouteille de coeur de Damien Barton Sartorius

 

Damien Barton Sartorius : Sans aucun doute Léoville Barton 1985. Cette bouteille a une signification particulière car elle était l’une des préférées de mon grand-père. Malgré les très grands millésimes qui sont arrivés après, comme le 1989 et le 1990, le 1985 reste en tête. C’est un Bordeaux exceptionnel qui vieillit remarquablement bien. Il est fin, il a un équilibre parfait, c’est tout simplement un très grand vin.

 

 

 

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.