Inside La Place – Produire de très grands vins de manière vertueuse et durable 

Pierre Graffeuille

Directeur Général de SCDM DOMAINES :

Châteaux Montrose, 2ème Grand Cru Classé Saint-Estèphe

Château Tronquoy, Saint-Estèphe

Clos Rougeard, Saumur Champigny, Loire

Domaine Rebourseau, Gevrey Chambertin, Bougogne

Distillerie La Métairie, Cognac

La Truffière de Cément, Chinon

En poste depuis 2022

Château Montrose

2nd Grand Cru Classé en 1855, Saint-Estèphe


 

Gerda : Parlez-nous de vous…

Pierre Graffeuille : Le vin a été pour moi avant tout une révélation. Je trouvais fascinante l’évolution du vin en bouteille. La complexité du vin exclut toute forme de monotonie et j’ai principalement souhaité en faire mon métier pour cette raison. J’ai alors décidé de suivre une formation technique : je suis diplômé à la fois de Bordeaux Sciences Agro et de la Faculté d’œnologie de Bordeaux. Au début de ma carrière, j’ai travaillé à la production en France comme à l’étranger : en Bourgogne, dans le Rhône, à Bandol, au Maroc, en Australie et en Nouvelle-Zélande. J’ai vinifié un grand nombre de cépages dans des régions chaudes et froides. L’idée était un peu de m’exercer à la manière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, avec des expériences basées sur la vigne et le vin dans différentes régions du monde.

À mon retour à Bordeaux, j’ai voulu ajouter d’autres cordes à mon arc. J’ai donc décidé de travailler dans le courtage puis chez un négociant. Cette période a été extrêmement enrichissante et j’ai pu comprendre les rouages de la Place de Bordeaux et de la commercialisation des Grands Vins. Cependant, je suis finalement retourné à mes premiers amours : la gestion de propriétés viticoles. J’ai occupé le poste de Directeur Commercial puis de Directeur Général pour les Domaines Delon (Château Léoville las Cases, Nénin et Potensac) pendant 10 ans. Après cette décennie, j’ai souhaité sortir de ma zone de confort et entreprendre une nouvelle aventure en rejoignant le groupe SCDM Domaines. Cette entité est dédiée aux activités viticoles et agricoles de la holding familiale de Martin et Olivier Bouygues. Je suis ravi de participer à cette nouvelle aventure et de mettre mes compétences au service de cette formidable famille.

J’apprends encore tous les jours et cet apprentissage me nourrit dans mon quotidien. C’est un métier qui oblige à rester humble mais déterminé notamment face à la nature.

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Pierre Graffeuille : Il y en a beaucoup.

Premièrement, il faut apprendre qu’il n’est pas possible d’être partout au même moment. Je ne possède pas le don d’ubiquité, il faut donc bien organiser et gérer son temps.

Deuxièmement, il y a le défi de fédérer des équipes autour de ma vision et de celle de la famille Bouygues. Nous devons parler le même langage et avoir les mêmes objectifs pour mener à bien tous nos projets.

Lors de mon arrivée, Monsieur Martin Bouygues m’a confié qu’il y avait trois objectifs à Montrose :

  • Faire le plus grand vin possible
  • Le faire de la manière la plus vertueuse possible
  • Produire ce vin d’une façon durable afin de préserver ce lieu unique

Monsieur Bouygues est un visionnaire. Dès son rachat en 2006 il lance de grands travaux aux objectifs environnementaux rigoureux avec, notamment, la surisolation de tous les bâtiments, l’installation d’une ferme photovoltaïque de 3000 m² en toiture et l’arrivée de la géothermie pour la gestion des températures des bâtiments et des cuves.

La famille met toujours les moyens nécessaires à notre disposition pour atteindre ses objectifs, c’est une grande chance.

 


Vendanges 2023

 

Gerda : Pourriez-vous me donner un souvenir des vendanges 2023 ?

Pierre Graffeuille : Réponse un peu similaire à 2022 !

Nous avons fait le choix de démarrer tôt, le 5 septembre 2023, alors que personne ne vendangeait, car les Merlot nous paraissaient à leur optimum de maturité sur le terroir de Montrose. Nous les avons ramassés tranquillement du 5 au 15 septembre, et nous sommes très satisfaits de ce choix car toutes ces cuves se dégustent superbement aujourd’hui. Mais sur le moment, il fallait être sûr de soi pour appuyer sur le bouton !


La marque Montrose aujourd’hui et demain

 

Gerda : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ? 

Pierre Graffeuille : Que Montrose soit l’un des vins mythiques de Bordeaux.

Il possède les clés nécessaires pour y parvenir grâce à son terroir exceptionnel, sa proximité immédiate avec la Gironde ; sans oublier l’implication de la famille. Néanmoins, Montrose n’a pas été suffisamment reconnu au cours des 10 dernières années. Il lui manque cette désirabilité, ce pouvoir de faire rêver. C’est à nous de produire les plus grands vins possibles, et de créer cette désirabilité en donnant suffisamment de marge à la filière, afin que le vin s’impose comme un incontournable. C’est ce qui explique le prix de sortie de notre millésime 2022. Nous croyons énormément à la force de la Place de Bordeaux mais il faut, pour cela, susciter l’envie de travailler avec notre marque.

G : En quoi vos vins se distinguent et sont uniques ?

Pierre Graffeuille :  Montrose fait partie des vins que l’on reconnait toujours à l’aveugle !

Son ADN réside dans la typicité bien particulière de notre Cabernet Sauvignon, planté sur un terroir exceptionnel face à l’estuaire dont la largeur, au niveau de Montrose, est de 4 km. L’influence de cette grande masse d’eau est très importante car elle tempère tous les excès du climat. A Montrose, le Cabernet Sauvignon est à la fois profond et puissant et révèle une grande élégance que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Son équilibre forge également son identité.

Sa capacité de garde est parmi les plus importantes de Bordeaux. Enfin Montrose possède des arômes assez typiques lors du vieillissement, parmi lesquels des notes de graphite ou de cèdre qui lui donnent une complexité supplémentaire.

G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous partager à votre clientèle ?

Pierre Graffeuille : Nous sommes en train de restructurer l’équipe commerciale dont l’objectif sera, d’une part, de mieux connaître nos marchés et, d’autre part, de mieux faire connaître nos domaines. Notre volonté reste de travailler main dans la main avec les équipes commerciales de nos négociants. Mais il nous revient de prêcher la bonne parole sur le terrain !

Nous souhaitons aussi rouvrir la propriété et passer plus de temps ici sur place avec les clients finaux de nos vins.

G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ? (Techniques, marketing, ou commerciaux)

Pierre Graffeuille : L’un de nos projets techniques est l’obtention de la certification biologique pour l’ensemble de nos propriétés. Le dire est une chose, le faire en est une autre. Même si le bio a ses limites, cette certification a une valeur de preuve du travail effectué à la propriété. Nous souhaitons aller plus loin dans la recherche et le développement et essayer de répondre à la question que l’on se pose tous « y-a t’il une vie après le cuivre ? ». C’est un autre axe de travail actuel de notre pôle R&D mené par Vincent Decup, notre Directeur Technique. Envisagerons-nous la biodynamie ? Je suis un scientifique et apprécie les choses rationnelles. Je suis peut-être trop cartésien pour aller dans cette direction. Pour l’instant nous nous sommes engagés dans le bio, pas dans la biodynamie, trop ésotérique à mon goût.


Le commerce

 

Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ? 

Pierre Graffeuille : Nous mettrons l’accent sur l’Asie bien que le timing ne soit pas propice car Montrose est une marque moins connue dans cette région du monde, en particulier en Chine. Notre objectif est d’avoir une distribution la plus éclatée possible sans renier nos marchés historiques en Europe et aux États-Unis. Il est, cependant, essentiel de connaître les consommateurs des Grands Vins de demain dont certains se trouvent en Asie.

G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?

Pierre Graffeuille : Nous avons deux commerciaux que les distributeurs peuvent contacter directement :

Arnaud Frédéric, Directeur Commercial : afrederic@scdm-domaines.com

Romain Bellone, Directeur Commercial Adjoint : rbellone@scdm-domaines.com

Ils sont à disposition de nos négociants et voyagent sur les différents marchés.

: A quel(s) millésime(s) le marché devrait-il s’intéresser ? Et pourquoi ?

Pierre Graffeuille : Je pense immédiatement au Château Montrose 2017.

Le Grand Vin provient toujours de ce que nous nommons dans notre jargon « la terrasse n°4 », de ces 50 hectares situés en bordure d’estuaire. Ce terroir ne gèle jamais et l’équipe technique a réussi à produire un vin exceptionnel sur ce millésime trop souvent décrié.

G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?

Pierre Graffeuille :  Nous vendons entre 65 et 75% de notre production en Primeurs et avons comme projet de réaliser des mises en marché de livrables différées avec un décalage de 10 ans. L’année prochaine, nous mettrons sur le marché le millésime 2014, en 2025, le millésime 2015 ainsi de suite.


La bouteille de coeur de Pierre Graffeuille

 

Gerda : Si vous aviez une seule bouteille de cœur ? 

Pierre Graffeuille : Montrose 1893, d’une jeunesse perturbante, d’une fraîcheur hors norme avec une structure toujours bien présente. Un Grand Vin doit procurer une émotion et ce fut le cas récemment avec cette bouteille qui permet d’illustrer encore mieux l’unicité et le potentiel de Montrose.


Le vin dégusté

Pierre m’a demandé le millésime de Montrose que je souhaitais déguster. Spontanément j’ai répondu que je souhaitais déguster le millésime 2021. C’était la première année qu’une grande partie de nos clients étaient de retour à Bordeaux pour les dégustations des Primeurs après 2 ans de pandémie. Tout le monde a eu le sourire grâce à ces retrouvailles mais aussi en raison de la qualité des vins qui dépassait nos espérances.

Thomas Duclos a décrit ce millésime comme « le classisme contemporain ».

Montrose 2021

On trouve immédiatement au nez des notes de graphite que Pierre considère comme une des caractéristiques de Montrose. En bouche, le vin se développe timidement mais sûrement. Il présente un très bel équilibre et une très belle fraîcheur qui persiste jusqu’en fin de bouche. Ce sont des Cabernets avec une belle tension. Ce vin aura une grande capacité de garde.

Bravo pour ce vin qui a été mis en bouteille la même semaine que ma dégustation.

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.