Inside La Place – Le fonceur enthousiaste

Pierre-Olivier Clouet

Directeur technique

En poste depuis 2008

Rencontré par Gerda

Château Cheval Blanc

Saint-Emilion Grand Cru


 

Direction Saint-Emilion pour découvrir le vin blanc exceptionnel du Château Cheval Blanc : Le Petit Cheval blanc. Pierre-Olivier Clouet, directeur technique du Château Cheval Blanc depuis 2008, m’a reçue à la propriété. En juin 2022, les propriétaires du Château Cheval Blanc (la famille d’Albert Frère et Bernard Arnault) ont racheté 11 hectares du Château la Tour du Pin Figeac avec pour objectif d’augmenter la production de blanc. Le château est situé juste en face de l’entrée de Château Cheval Blanc. Une opportunité exceptionnelle. Déjà en 2006, Cheval Blanc avait acheté 8 hectares de cette même propriété qui appartenait à la famille Moueix. Pierre-Olivier Clouet connaît ce terroir remarquablement bien, car il a été directeur technique des Châteaux La Tour du Pin et Quinault L’Enclos pendant deux ans.

Gerda : Parlez-nous de vous…

Pierre-Olivier Clouet : Je me décris comme un fonceur enthousiaste, j’ai parfois un peu trop d’énergie. Heureusement, pour me canaliser, je suis bien entouré et épaulé avec notamment Arnaud de Laforcade (directeur commercial et financier), Nicolas Corporandy (chef de culture) et Carole André (maître de chai). Nous réfléchissons beaucoup ensemble.

À Cheval Blanc, nous avons plus de 200 ans d’histoire viticole derrière nous. Malgré cela, nous devons aller plus loin dans les détails. Grâce à notre chai et notre approche parcellaire, nous pouvons désormais être plus précis, sans oublier de nous remettre en question continuellement.

Dès mon arrivée à Cheval Blanc, j’ai eu la chance de beaucoup pouvoir échanger avec Pierre Lurton. Après un premier stage d’ingénieur de 6 mois en 2004, j’ai retrouvé l’équipe de Cheval Blanc en 2006 pour m’occuper de l’acquisition du Château La Tour du Pin Figeac (Moueix). Puis, en 2008, j’ai pris la suite d’Olivier Berrouet (désormais à Pétrus) comme directeur technique. Jeune et d’origine normande, Pierre a trouvé que mon profil atypique était un avantage pour la propriété.

Au-delà de ma mission au sein du Château Cheval Blanc, j’ai eu le plaisir de participer à différents projets particulièrement stimulants, dont celui de produire un vin blanc sec « from scratch » de façon expérimentale, avec seulement une production de 0,5 hectare, le premier millésime a été le 2009. À mesure de notre compréhension de ce nouveau vignoble, de l’évolution spectaculaire des vins blancs produits à cet endroit, nous prenons la décision de commercialiser le premier millésime de notre blanc, « Le Petit Cheval », blanc, avec le millésime 2014. Il est aujourd’hui devenu un cru important dans l’univers de notre maison. Dès son origine, il a été vendu par nos partenaires de la Place de Bordeaux, dont la maison Roland Coiffe & Associés fait partie.

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Pierre-Olivier Clouet : Le plus grand défi est d’arriver à faire un vin d’exception, reflétant l’expression du lieu où il est né. Au-delà de la préservation du style intemporel de la maison, que nous nous devons de servir, notre volonté est de retrouver des sols vivants, de plus en plus fertiles, résilients, notamment vis-à-vis des maladies et de l’impact climatique.

 

Gerda : Pourquoi du blanc sur un terroir (jusqu’à présent) de rouge ?

Pierre-Olivier Clouet : Nous ne voulons pas rester dans une zone de confort. Il y a toujours un risque d’autosatisfaction dans ces grandes propriétés qui est très dangereux. Il faut se pousser pour être créatif et se poser la question, « quelle est notre identité ». Un jour, nous nous sommes posés la question « Et si Cheval Blanc était blanc ? ». Cette question nous a ouvert les yeux. C’était vraiment enrichissant. Nous sommes chanceux d’avoir des propriétaires qui sont visionnaires et qui donnent les moyens nécessaires à leurs ambitions. Tout cela nous transporte et nous stimule. Cela a tout de même pris plusieurs années pour comprendre l’interprétation du blanc à Cheval Blanc. A chaque fois que l’on se trompe, on apprend de ses erreurs. Le vin rouge pardonne davantage les erreurs car les tannins absorbent le bois et les arômes sont amenés à s’ouvrir avec le temps. Les vins blancs sont beaucoup plus difficiles. Il y a beaucoup plus de risque d’oxydation et le trop de bois va rester. C’est une vinification qui est plus exigeante. Je peux vous dire que depuis que nous faisons du blanc, je dors beaucoup moins bien !

G : Avez-vous des modèles en termes de style gustatif lors de la naissance du produit ?

Pierre-Olivier Clouet Nous faisons du blanc avec le logiciel d’un winemaker de vin rouge. Nous allons chercher la concentration, la densité, le poids en bouche. Son équilibre vient de son contact avec le solide. La qualité des lies est aussi très importante pour le vin blanc, c’est pour cela que nous faisons un travail fastidieux sur les lies.

Nous mettons en place une viticulture de la vigueur. Nous laissons la plante se développer avec une intensité, par exemple en laissant les feuilles protéger les raisins. Un sauvignon blanc qui est brûlé donne un goût de pamplemousse ou bien ce fameux « pipi de chat ». Une constance hydrique est également très importante pour faire des grands blancs, donc nous sommes très attentifs au travail du sol.

Nous ramassons très tôt car nous préférons des raisins végétaux : frais mais pas verts et certainement pas flasques. La bouche doit être tendue et crémeuse. En 2020 par exemple, nous avons ramassé le 19 août avant la vague de fortes chaleurs qui est arrivée à la fin du mois et début septembre. La date des vendanges est très importante pour garder le style du Petit Cheval blanc que nous souhaitons produire. Le millésime 2020 est vraiment fantastique pour moi.

G : L’impact de l’agroforesterie ?

Pierre-Olivier Clouet : C’est en 2020 que nous avons débuté notre plantation massive. Nous avons fait le choix de faire revenir la biodiversité dans notre vignoble. La vigne est une belle plante, mais c’est une monoculture. Nous sommes persuadés que grâce à la biodiversité nous allons gagner en fertilité du sol, et qu’il va, par la suite, pouvoir se régénérer de lui-même et nous allons avoir, par conséquent, moins de maladies. Il faut sortir de la fertilisation par intrants au profit de « l’auto-fertilité » en reconstituant le cycle naturel des sols.

G : Après des années d’arrachage des blancs, il y a un retour vers des grands blancs (en Sauternes également). Comment voyez-vous cette tendance ?

Pierre-Olivier Clouet : C’est une tendance que je trouve géniale. Je me rappelle très bien ce que Jean-Claude Berrouet (ancien directeur de Pétrus) m’a dit : « En 1964 (premier millésime de Jean-Claude à Pétrus), il y avait plus de cépages blancs que de cépages rouges plantés à Bordeaux ». Aujourd’hui, nous avons un immense potentiel pour faire des grands blancs à Bordeaux grâce à la révolution « agriculturale » dans la viticulture. Il n’y a aucun filtre entre le terroir et le vin blanc. Nous avons un vrai challenge avec notre sol de grave et d’argile. Notre salut est notre pratique de viticulture : la gestion du sol, le moment de la vendange, le pressurage… C’est une pratique agronomique qui repose sur la connaissance et le bon sens et non sur la technologie.

G : Pourriez-vous me décrire un vin blanc exceptionnel ?

Pierre-Olivier Clouet : C’est un vin avec une vraie identité et une grande complexité. C’est un challenge de faire un grand blanc avec du sauvignon blanc sur notre terroir. Un grand sauvignon blanc doit avoir de la profondeur, une certaine amertume, de la masse, mais pas de lourdeur. C’est la « puissance élégante ».

G : Pourriez-vous me donner quelques mots sur les vendanges de vos blancs cette année 2022 ?

Pierre-Olivier Clouet : Nous avons vendangé les 18, 19 et 20 août très tôt le matin pour garder la fraîcheur et le côté végétal dont j’ai parlé avant. Tous les raisins sont passés dans une chambre froide. Nous avons vinifié dans les demi-muids (600 litres), dans les foudres (15 litres) et dans des cuves en bois de 15, 20, 25 et 30 hectolitres. Nous n’avons pas utilisé de barriques pour avoir un meilleur ratio bois-vin. Les premières dégustations montrent qu’il n’y a pas du tout de lourdeur ni de signe oxydatif. Nous prévoyons d’élever ce vin plein de promesses pendant 2 hivers sur lies.

G : Quelle sera l’évolution de la quantité, maintenant que vous avez acheté les 11 hectares restants du Château Tour du Pin Figeac ?

Pierre-Olivier Clouet : A titre d’exemple, sur les 8 hectares que nous avons achetés en 2006, nous avons planté 6,5 hectares en blanc et 1 hectare est resté en rouge. Pour notre nouvelle acquisition (qui reconstruit le vignoble historique de La Tour du Pin, nous aurons besoin de temps pour nous décider. Nous pensons qu’une grande partie de cette surface sera dédiée aux blancs. Donc oui, la production du Petit Cheval blanc va augmenter dans l’avenir.

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.