Inside La Place – L’esprit d’innovation des cabernets sauvignons en Toscane

Stéfano Carpaneto

Directeur à Marchesi Antinori

Francesco Visani

Directeur Commercial

Rencontrés par Gerda au Château

Marchesi Antinori

Toscane, Italie


 

La famille Antinori est l’une des familles toscanes les plus établies dans le vin, ils ont commencé à produire en 1385 ! C’est une famille qui a su maintenir la tradition avec un esprit d’entreprise et d’innovation. Ils ont eu l’idée formidable de créer les « super-toscans », avec Tignanello en 1971, puis Solaia en 1978. Les deux vins sont produits dans la belle propriété de Tenuta Tignanello, qui est située au cœur du Chianti Classico, et compte 319 hectares dont 130 hectares de vignes.

J’ai pu échanger avec Francesco Visani, directeur commercial et responsable des relations avec La Place de Bordeaux, et avec Stéfano Carpaneto, directeur de cette belle propriété qui appartient à la famille Antinori depuis le milieu des années 1800.

Gerda : Parlez-nous de vous…

Francesco Visani : Je travaille pour la maison Marchesi Antinori depuis 2006, et depuis 12 ans, en tant que responsable commercial de Solaia, Tignanello et Marchesi Antinori Chianti Classico. Je suis la personne en contact avec la Place de Bordeaux d’une part et, d’autre part, avec les importateurs et distributeurs du monde entier.

Stéfano Carpaneto : Cette année, je fête mes 20 ans dans le groupe Antinori. Je suis agronome de formation et j’ai étudié à Florence. Mon premier emploi dans le groupe a été dans l’une de nos propriétés sur la côte. Je suis revenu dans la région du Chianti Classico en 2005 et je suis directeur de Tenuta Tignanello depuis 2008. Je suis responsable de tous les process, de la production jusqu’à l’accueil, des projets en développement. J’accompagne également les nouveaux défis tels que les changements climatiques auxquels nous devons faire face. Avec mon équipe, nous donnons le meilleur pour ce magnifique domaine.

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Stéfano Carpaneto Je dirais qu’il y a 3 défis principaux aujourd’hui :

  • Les changements climatiques et leurs effets sur notre vignoble : cette année, nous avons eu, à la fois un hiver, mais aussi un printemps et un été très chauds. Ce qui va se passer le reste de la saison de croissance est maintenant très important. Nous sommes également inquiets de la baisse des précipitations.
  • Le défi humain, car depuis la pandémie covid, il y a un changement de mentalité dans les équipes : la question maintenant est : « Comment trouver des employés et comment les garder ? ». Tout a très vite évolué, l’entretien de la vigne nécessite une équipe importante pour effectuer un travail manuel de qualité.
  • La transmission, nous devons nous préparer à passer nos connaissances à la prochaine génération. Ils doivent comprendre l’esprit et la philosophie de Tenuta Tignanello. C’est vraiment une partie importante de mon travail.

Francesco Visani D’une manière générale, nous avons de la chance car nous bénéficions d’une forte demande pour nos vins. Néanmoins, je dois être capable de trouver un équilibre entre les différents marchés et être très prudent en choisissant les bons partenaires : qui sont les meilleurs pour Solaia et Tignanello ? Rappelons que Tignanello et Marchesi Antinori Chianti Classico sont vendus par la Place uniquement pour la Chine. Mon objectif n’est pas de vendre plus, mais de vendre mieux.

Je dois aussi trouver la bonne façon de promouvoir nos vins. Il existe de nouvelles et de nombreuses façons de le faire. Voyager est essentiel pour promouvoir les vins. J’aime ça, et heureusement, je peux le refaire, sauf en Chine. Il est important de partager notre mode de production, notre style de vin, et de vie, la vie italienne est un art de vivre ! Un autre défi est de savoir comment atteindre un certain type de client sur un marché spécifique, c’est pour cela qu’il faut bouger pour échanger et pour partager.

 


La marque Solaia aujourd’hui et demain

 

Gerda : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre (vos) marque(s) ?

Francesco Visani : Que Solaia soit considéré parmi les meilleurs vins italiens et parmi les grands vins du monde. Nous devons constamment expliquer ce que nous mettons en oeuvre pour Solaia et nous devons améliorer la perception et l’image que les collectionneurs et les amateurs de vin ont du domaine. Nous allons dans la bonne direction, mais nous n’avons pas encore atteint l’objectif de 100 %.

G : En quoi vos vins se démarquent-ils, sont-ils uniques ?

Stéfano CarpanetoNos vins sont uniques par le lieu où ils sont produits : le terroir. Il garantit l’expression du cépage et respecte le miroir du millésime. Tant pour Solaia que pour Tignanello, les raisins poussent dans des conditions uniques :

– Grâce au sol qui est pauvre, il a beaucoup de roches et d’argile qui retiennent l’eau.

– Grâce à l’exposition et l’implantation des vignes, la propriété est très ventée et fait face à la mer. Nous n’avons pas d’autres collines devant nous jusqu’à la côte.

– Aussi, il existe une importante amplitude thermique, la variation entre les températures élevées de la journée et les températures fraîches de la nuit est unique.

Dans ces terroirs, aussi bien celui des sangiovese, que celui des cabernets sauvignons ou des cabernets francs, les cépages s’expriment de façon unique. Ils ont de la vivacité, des tanins doux, de la nervosité grâce au sangiovese, de la finesse et du corps, sans être trop puissants, grâce aux cabernets sauvignons. Tout cela évolue avec le temps vers l’élégance en gardant un caractère affirmé.

Dès 1978, nous avons compris le potentiel du cabernet sauvignon dans ce lieu unique. Personne n’avait planté ce cépage avant ! En 2003, nous avons fait un investissement crucial, la construction d’un chai performant. Le premier millésime vinifié à l’intérieur a été le 2004. C’est comme pour la cuisine, il faut les bons ingrédients mais aussi le bon matériel ! C’est un tout, il est fréquent que la technologie accapare les esprits en oubliant l’importance de l’ingrédient. Nous avons des raisins d’une qualité extraordinaire, la vinification est maîtrisée et nous pouvons aller plus loin grâce à la technologie.

G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous partager avec vos clients ?

SC : Nous avons acheté, après de nombreuses années de négociations, 20 hectares à nos voisins sur la colline de Tignanello. Cette parcelle est située au milieu de notre vignoble et vous vous doutez bien que nous en sommes très satisfaits. Nous étudions, à l’heure actuelle, comment replanter et avec quel cépage. Nous pensons à introduire des arbres afin de recréer une biodiversité naturelle. Avec le réchauffement climatique, nous devons étudier et prendre en compte de nombreux paramètres, comme prévoir les différentes intensités des précipitations, en favorisant l’infiltration dans le sol, par exemple, où trouver l’orientation du rang la plus adaptée. Nous devons penser durable, comme la famille Antinori l’a toujours fait pour tout.

FV : Je suis heureux et fier, non seulement pour moi, mais aussi pour l’équipe, car Solaia est beaucoup demandé dans de nombreux pays. Nous recevons une demande croissante de petits pays d’Afrique par exemple, ce que nous n’avions jamais eu auparavant, mais aussi d’Amérique du Sud. Ce sont deux continents sur lesquels je souhaite encore davantage développer la distribution. La demande augmente aussi d’autres pays d’Asie. Tout cela reflète la force de la marque et la capillarité du système de distribution. Les notes sont importantes, mais même avec des notes de 97, ce que nous considérons comme « moyen », la demande continue d’être forte. Nous sommes sur la bonne voie pour que Solaia devienne un vin Icône !

G : À quel stade se situe vos propriétés en matière de transition écologique ?

SC : Nous investissons beaucoup dans la recherche et nous n’utilisons plus d’herbicides depuis de nombreuses années. La viticulture biologique et bio-dynamique ne sont pas salutaires à tout. Nous pourrions sans doute produire la même qualité en agriculture biologique mais, peut être avec une perte de quantité. Il est très important de pouvoir protéger notre vignoble du réchauffement climatique et de la sécheresse. Nous avons de la forêt sur la propriété et c’est un trésor pour nous. Il faut maintenir cette biodiversité et peut-être même l’augmenter et l’accompagner par une gestion forestière bien adaptée. Toutes ces questions sont de plus en plus prises en considération, au même titre que les ressources humaines sur la propriété : le bonheur de nos équipes est un de nos axes de travail. Nous avons une approche familiale au domaine et tout est lié.


Le commerce et La Place de Bordeaux

 

Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?

Francesco Visani Notre objectif est d’augmenter la qualité de notre distribution en sélectionnant client par client. Nous avons déjà commencé il y a quelques années, mais nous devons aller encore plus loin. Nous avons encore des clients qui ne sont pas les bons pour notre marque en raison de leur politique de distribution, de leurs prix et de leur communication autour de nos vins. Notre volume de production n’augmentera pas.  La seule façon d’atteindre nos objectifs et d’augmenter le prestige et le statut de la marque, et de faire une meilleure sélection de nos clients.

La maison Antinori est déjà très fort dans la distribution BtoB. Chez Solaia, nous souhaitons nous renforcer sur le segment BtoC en effectuant des réglages plus fins et aller vers les consommateurs  haut de gamme. C’est un vrai challenge !

: Quels sont les supports de vente mis à la disposition des distributeurs pour promouvoir votre vin ?

Francesco Visani : Nous n’avons rien inventé de nouveau et nous avons à la disposition des clients : internet, réseaux sociaux, fiches techniques… Il y a une chose que je voudrais améliorer et développer à savoir communiquer davantage autour des vieux millésimes de Solaia. Nous avons pour projet de sortir une petite quantité de notre vin, six mois après la sortie de septembre. Il y a 10 ans, nous avons déjà commencé à vendre de petites quantités aux enchères. Cette méthode est intéressante pour animer la marque et cela donne la possibilité d’accéder à des millésimes plus mûrs. Mais encore une fois, nous n’inventons pas une « navette spatiale ».

G : Quelles sont les principales raisons de vendre vos vins via La Place de Bordeaux ?

Francesco Visani : En 2009, j’ai rencontré plusieurs négociants. Solaia n’était à ce moment pas célèbre et peu développée en Asie où les marques de vins de Bordeaux étaient déjà implantées grâce à la Place. De ce fait, le premier objectif a été d’atteindre le marché asiatique. Le deuxième objectif a été d’intégrer le système de distribution de la Place avec le réseau de la maison Antinori. C’était un mode de fonctionnement nouveau. Nous travaillons avec 150 importateurs exclusifs dans le monde entier et avons le contrôle de leur distribution, ce que vous n’avez pas en vendant sur la Place de Bordeaux.

La particularité de la Place Bordeaux est la capillarité de sa distribution. La Place possède un savoir-faire de plus de 300 ans de distribution et peut atteindre tous les clients potentiels à travers le monde. Ce qui est moins positif pour nous, c’est que nous avons moins de contrôle sur la distribution. La Place est parfois tentée de vendre vite et aux clients qui ne sont pas « les bons » pour Solaia.

G : Le type de distribution a-t-il changé depuis que vous vendez via La Place ?

Francesco Visani : Oui, c’est sûr ! Nous sommes maintenant en mesure d’atteindre plus de distributeurs qui vendent aux collectionneurs de vin. Travailler avec des importateurs exclusifs pour notre marque est efficace pour une forte présence dans les restaurants, cavistes, mais moins efficace si vous souhaitez travailler avec des collectionneurs privés haut de gamme. Cette partie du commerce s’améliore grâce à la Place de Bordeaux.

G : Le nombre de clients a-t-il changé, avez-vous une plus grande visibilité grâce à La Place de Bordeaux ?

Francesco Visani : Oui, nous vendons un volume moindre à un plus grand nombre de clients. C’est la force de la capillarité !


Prochaine sortie

 

Gerda : La prochaine sortie de Solaia prévue pour septembre sera le millésime 2019, pouvez-vous nous parler de ce millésime ?

Stéfano Carpaneto : Solaia 2019 est un beau millésime. Il est complètement différent des autres millésimes du fait notamment de la météo cette année-là. C’était une saison de croissance plus longue, nous avons eu plus de pluie que d’habitude et du reste la production a été un peu plus élevée. C’est certainement un vin plus classique que 2017 et 2018. Pour être honnête, nous étions un peu inquiets après la fermentation, car il n’est pas aussi structuré que le 2018. Mais c’est un des millésimes que j’ai aimé produire et le résultat est génial ! Nous avons beaucoup travaillé à la vigne et au chai. Nous avons un peu changé le choix du chêne. Nous précommandons 20% de nos barriques en juin, et les 80% restants immédiatement après l’assemblage que nous faisons après la fermentation malolactique. Cela nous permet d’ajuster le type de barriques en fonction du style du millésime. C’est une décision sur mesure, pour apporter plus de précision dans le vin.

Dans Solaia 2019, il y aura un peu plus de cabernet franc : 10 %. Avant, il y avait entre 7 et 8 % de cabernet franc. Ce millésime est raffiné, d’une grande précision, vertical et droit au lieu d’être puissant. Il a une belle structure tannique et un caractère plus élégant.

: Pouvez-vous me raconter un millésime inoubliable de Solaia ?

Stéfano Carpaneto : J’ai deux millésimes que j’aime mentionner. Tout d’abord, le 1997. Je me souviens très bien, Solaia 1997 a été sélectionné par le Wine Spectator comme le meilleur vin de l’année. J’étais convaincu que c’était un vin que je ne pourrais peut-être jamais boire et en 2009, le moment magique et inoubliable est arrivé.

L’autre millésime est Solaia 2015 : le meilleur millésime jamais produit à ce jour. Il a de l’équilibre, de la complexité, de la profondeur et 100 points de Robert Parker et James Suckling !

Francesco Visani : Pour moi, c’est Solaia 1994. La première dégustation que j’ai eue de ce millésime a été à la propriété, un double magnum. C’était un grand moment inattendu.

De plus, il y a Solaia 2016, c’est la deuxième fois que Solaia a obtenu 100 points de Robert Parker et de James Suckling. Il a pour moi, plus de finesse et d’excellence que le 2015, qui était un millésime souriant. 2016 est plus précis, plus lumineux. C’est le Solaia parfait et celui que j’apprécie le plus en matière de style.

 


Les vins dégustés

 

Au cours d’un délicieux déjeuner avec une excellente cuisine italienne, nous avons dégusté les 3 vins produits à Tenuta Tignanello.

Marchese Antinori, Chianti Classico, DOCG Riserva 2019 :

Arômes de fruits rouges profonds, vous pouvez même trouver des cerises sauvages, ce qui est la belle fraîcheur que le sangiovese apporte toujours. C’est une bouche pleine de vivacité et un peu de salinité qui prolonge le vin.

Tignanello, IGT, Toscane 2013 :

Fantastique à boire, un Tignanello de 9 ans et il a encore un grand potentiel. Vous trouverez tout dans votre verre avec ce vin super toscan. Les arômes sont dominés par le sangiovese mais en bouche ce fantastique cépage italien est relevé par une touche de…. Bordeaux qui lui donne plus une dimension horizontale. Comme on dit en France : Magnifique

Solaia, IGT, Toscane 2011 :

Il montre la volonté d’entreprendre de la famille Antinori, la volonté de faire un vin en Toscane dominé par le cabernet sauvignon : 80%. Et Francesco a raison : Solaia fait définitivement partie des vins iconiques du monde. Ce vin a tout, de la complexité à la profondeur, en passant par la longueur et l’harmonie de l’ensemble… l’histoire dans votre verre !

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.