Inside La Place -160 ans d’histoire familiale

Edouard Miailhe

Propriétaire

En poste depuis 2015

Château Siran

Margaux


Gerda : Parlez-nous de vous ?

Edouard Miailhe : Je me définis comme un rassembleur, orienté vers la concrétisation des résultats plutôt que vers les beaux discours. Mon parcours professionnel m’a conduit aux Philippines, où j’ai vécu avec ma famille pendant 15 ans, travaillant principalement dans le domaine de l’immobilier et de la finance. J’essaie d’être un bon gestionnaire qui veille à assurer la pérennité des entreprises qui me sont confiées.

En 2007, à leur retraite, mes parents m’ont confié la responsabilité de Siran, une proposition que j’ai accepté avec enthousiasme. Considérant le vin comme une création d’une grande subtilité, j’éprouve une satisfaction particulière à offrir du plaisir à travers mes vins aux centaines de milliers de personnes qui apprécient Siran chaque année, que ce soit à la maison ou au restaurant.

Représentant la 6ème génération à la tête de Siran, je suis fier des plus de 160 ans d’histoire familiale qui ont forgé la réputation de notre domaine. Mon plus grand souhait est de transmettre ce domaine à l’un de mes quatre enfants, perpétuant ainsi la tradition familiale. Depuis notre retour définitif d’Asie en 2015, je consacre l’intégralité de mon temps à la gestion de cette attachante propriété.

Parallèlement, j’ai pris la présidence du syndicat de l’appellation Margaux en 2018, démontrant ainsi mon attachement à ce territoire unique et mon engagement profond en faveur du monde viticole.

Je demeure, par ailleurs, impliqué dans le secteur financier, mais cette fois-ci dans le domaine du micro-crédit à travers une Fondation aux Philippines, Uplift. Celle-ci donne accès aux plus démunis à des prêts et nous finançons près de 50 000 familles au quotidien. C’est une manière pour moi de contribuer positivement à la société.

G : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

EMHeureusement, je suis entouré d’une équipe exceptionnelle en qui j’ai toute confiance. Mon expérience compense mon manque de formation en œnologie, et mes collaborateurs, avec leur soutien précieux, contribuent remarquablement à notre succès. Grâce à leur passion, engagement et dévouement, je leur dois un millésime 2023 qui s’annonce délicieux, avec un joli rendement. Mon défi quotidien réside principalement dans la gestion administrative et sociale de l’entreprise. Malheureusement, la bureaucratie ne facilite pas les choses, et nous aimerions voir plus de soutien solide de la part de l’État.

Quant au changement climatique, c’est indéniablement l’un des enjeux majeurs et cruciaux auxquels nous faisons face. Cependant, il semble que le réchauffement climatique apporte certains avantages à Bordeaux, dont ont pu profiter les magnifiques millésimes 2018, 2019, 2020, 2022, et même le 2023 à venir. Toutefois, il est important de souligner que le changement climatique a entraîné des conditions météorologiques bien plus extrêmes, et qui nécessite une vigilance continue de notre part.


Vendanges 2023

G : Pourriez-vous me donner un souvenir des vendanges 2023 ? 

EM : Jusqu’au dernier moment, l’incertitude a régné sur la qualité du millésime. Une vague de très forte chaleur s’est abattue sur la région pendant 10 jours fin août/début septembre. Heureusement, après ses fortes chaleurs, la pluie est arrivée le 20 septembre, pendant 2 jours. Juste avant, nous avions pu récolter nos merlots, préservés de tout impact du mildiou grâce au formidable travail de notre équipe technique. Les 30 mm de pluie ont ravivé et favorisé la maturation et le développement des cabernets sauvignon et des petits verdots. Nous avons pu récolter ces cépages dans des conditions idéales à parfaite maturité.

Nous avons obtenu un beau rendement, en partie grâce à l’acquisition d’un nouveau tracteur équipé d’un système de traitement très efficace, conduit par des tractoristes expérimentés. Une équipe motivée, équipée d’un bon matériel nous a permis de faire la différence cette année. Les fenêtres de traitement contre le mildiou très présent cette année, étaient souvent étroites et il ne fallait pas les rater, comme cela a malheureusement été le cas pour nous en 2018, ou nous avions perdu du volume.


La marque Siran aujourd’hui et demain

G : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ? 

EM : Celui d’un luxe accessible, les vins de Siran sont au niveau des plus grands crus de l’appellation Margaux, équilibrés, complexes, et élégants. Ils sont agréables à boire jeune, ils ont aussi la capacité de vieillir, ce qui est le signe des grands vins. Je souhaite inviter les amateurs à s’embarquer dans un voyage d’exploration au fur et à mesure que les vins évoluent, tout en leur permettant de découvrir la complexité et la profondeur qui se développent avec le temps. Je conseille toujours aux gens qui ont acheté une caisse notamment au moment des primeurs, d’ouvrir une bouteille tous les 2/3 ans pour voir la magie opérée. Siran est un investissement plaisir raisonnable, et donc un luxe accessible.

G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?

EM : Tout d’abord, il y a l’équilibre de l’assemblage, avec une répartition généralement égale de 45 % entre le merlot et le cabernet sauvignon. Un pilier essentiel de l’ADN de Siran est la forte proportion de Petit Verdot, qui représente souvent entre 7 et 11 % de l’assemblage final. Cépage historique du sud du Médoc, le Petit Verdot confère à nos vins une dimension singulière et avec le réchauffement climatique, on note que de nombreux domaines en replantent actuellement.  Ensuite, ce qui distingue aussi Siran, c’est la subtilité avec laquelle le bois est intégré au vin. Il se fond harmonieusement, apportant une douceur et une délicate note de sucrosité à nos créations. Notre approche de l’élevage repose sur l’utilisation prudente d’un tiers de barriques neuves, une pratique qui contribue à préserver l’expression authentique du terroir dans nos vins.

G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?

EM : Depuis le millésime 2020, nous avons renoué avec une tradition héritée de mes parents : celle de faire illustrer nos étiquettes par des artistes de renom, tradition en vigueur de 1980 à 2005. 

Pour le millésime 2020, Federica Matta, une artiste franco-chilienne, a donné vie à notre étiquette, tandis que Peter Soriano a illuminé celle de 2021. Nous sommes conscients que les amateurs de Bordeaux ne s’attendent généralement pas à des étiquettes modernes, mais les couleurs vibrantes issues des œuvres d’art des artistes ajoutent une dimension unique à nos bouteilles, offrant ainsi une expérience visuelle distincte.

En 2021, nous avons choisi de célébrer le début du tourisme spatial et de l’exploration de la planète Mars, tout en soulignant l’importance croissante de la technologie, notamment les images satellites, pour comprendre la fragilité de la Terre face au changement climatique. Le thème de cette étiquette évoque ainsi la relation entre l’homme, le système solaire, l’espace et l’univers dans son ensemble. Comme annoncé lors de la campagne 2022 primeur, l’étiquette 2022 est illustrée par un artiste anglais en hommage à la Reine Elizabeth II, apportant une touche royale et contemporaine à notre collection.

 

 

G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ? (Techniques, marketing, ou commerciaux)

EM : À Siran, nous sommes ouverts au public tout au long de l’année. Cette année, nous avons eu le plaisir d’accueillir près de 10 000 visiteurs venus du monde entier. Faire partager et découvrir notre domaine est une véritable source de satisfaction. Nous travaillons sur un projet visant à enrichir nos activités pour attirer davantage d’entreprises avec des événements tels que des conférences et des séminaires, offrant ainsi une expérience unique au cœur de notre vignoble.

Un autre projet qui me tient particulièrement à cœur concerne mon activité de président du Syndicat de Margaux. Il s’agit du Fonds de Dotation des Vignerons de Margaux, que nous avons initié au sein de l’appellation Margaux, et qui va agir sur les quatre villages de l’appellation. Ce fonds va permettre à l’appellation de financer différents projets de développement social, éducatif, environnemental, entre autres. Par exemple, nous avons soutenu à la demande de la mairie de Margaux une étude de l’architecte Fabien Pédelaborde, architecte de la rénovation des propriétés de Durfort Vivens, Ferrière et Marquis d’Alesme. Cette étude vise à mettre en valeur le village de Margaux, autant pour le bénéfice des habitants que pour celui des touristes. Nous travaillons en étroite collaboration avec le conseil municipal de Margaux sur ce projet, en espérant ainsi renforcer les liens avec la communauté locale. Dans ce même esprit, nous organisons depuis 2022 une gerbaude, une fête marquant la fin des vendanges à Margaux, en invitant ses habitants à participer à cet évènement festif.

G : Où en est (sont) votre(s) propriété(s) en matière de « transition écologique » ?

EM : Notre domaine est certifié HVE 3 (Haute Valeur Environnementale), ce qui garantit que toutes nos pratiques agricoles préservent les écosystèmes tout en limitant l’impact sur l’environnement, y compris le sol, l’eau et la biodiversité. Par ailleurs, nous cultivons actuellement en agriculture biologique, trois parcelles situées autour du village, en bordure des habitations. Le vignoble de Siran est déjà depuis très longtemps sans herbicides et sans insecticides. Cependant, à ce stade, nous n’envisageons pas d’aller plus loin dans cette démarche, tant qu’il n’y aura pas de solution optimale pour le traitement du Mildiou et de l’Oidium. Actuellement, notre engagement principal consiste à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de la biodiversité de notre domaine et le bien-être de nos équipes sur place.


Le commerce

G : Quelles sont vos priorités en termes  de développement commercial ? 

EM : Nos priorités en termes de développement commercial se concentrent principalement sur les marchés clés des États-Unis et de l’Europe, où nous avons établi des positions stratégiques que nous cherchons à consolider. En Asie, bien que notre présence en Chine soit limitée, nous avons une représentation solide aux Philippines, au Vietnam, en Thaïlande et à Hong Kong.

Notre modèle commercial repose principalement sur la vente de nos vins pendant la campagne primeur. Grâce à des campagnes réussies, nous parvenons à commercialiser environ 96 % de notre production, les 4 % restants étant réservés à la vente directe dans la boutique du domaine. Cette approche nous permet de maintenir des relations privilégiées avec nos clients tout en assurant une distribution équilibrée sur nos marchés ciblés.

G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?

EM : Comme tous les Châteaux, nous mettons à la disposition de nos distributeurs un site internet complet et sommes actifs sur l’ensemble des réseaux sociaux. La gestion de notre communication est confiée à mon épouse Séverine, qui veille à maintenir une présence dynamique et engageante. Cependant, je suis convaincu que la meilleure manière de promouvoir nos vins est à travers les visites que nous proposons toute l’année.

Idéalement situés à l’entrée du Médoc, près de Bordeaux, nous occupons un lieu chargé d’histoire qui est entre les mains de ma famille depuis plus de 160 ans. La visite de Siran offre une expérience immersive, permettant aux amateurs de découvrir l’authenticité de notre domaine et de comprendre le lien unique entre notre histoire, nos vignes et nos vins. C’est une occasion privilégiée de partager notre passion et notre engagement, renforçant ainsi la connexion entre nos clients et notre propriété.

G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? Et pourquoi ?

EM : Je pense au millésime 2021, un vin atypique marqué par la prédominance du cabernet sauvignon. Ce vin sera très facile à boire rapidement, comme l’a été le millésime 2017 que tout le monde apprécie aujourd’hui.


La bouteille de cœur d’Edouard

G : Si vous aviez une seule bouteille de cœur ? 

EM : Pour l’instant, il s’agit toujours du Siran 2018 qui a été élu vin de l’année par le magazine américain Wine Enthusiast aux Etats Unis en 2021. Ce titre nous a beaucoup aidé pour la distribution aux États-Unis. C’est un vin parfait : Il a une gourmandise extraordinaire, tout en gardant son caractère élégant et délicat, typiquement margalien.


Le mot de Gerda 

Le millésime 2018 est un millésime solaire et ce très beau Siran ne fait pas exception. Les tanins sont soyeux et en bouche, le vin présente une structure opulente avec des notes de fruits noirs. Cependant, grâce au cabernet sauvignon qui représente 45% de l’assemblage et au petit verdot à 9%. Cette structure est soutenue et encadrée par une belle fraîcheur.

Un vin magnifique pour les amateurs qui apprécient les vins généreux.

 

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.