Inside La Place – Apprendre chaque jour

Marc Almert

Chef Sommelier Baur au Lac & Baur au Lac Vins

Membre de la direction du Baur au Lac Vins

 ASI Meilleur Sommelier du Monde 2019


 

Marc Almert, originaire de Cologne, a obtenu un baccalauréat international en anglais dans sa ville natale.

Doté d’une curiosité d’esprit, il a choisi de s’orienter vers le secteur de l’hôtellerie en suivant une formation de 3 ans à Cologne. Cette formation, conçue en alternance, combinait un mois d’études à l’école avec trois mois de travail dans un hôtel restaurant, où il s’est vu confier diverses tâches, telles que l’aide aux cuisines et des responsabilités administratives, entre autres.

Marc a ensuite intégré une Formation de Management Trainee pendant lequel il a effectué plusieurs stages, notamment dans les domaines du marketing et de la gastronomie. Rapidement il a découvert que le vin était sa vraie passion.

Son premier poste en tant que sommelier junior l’a conduit à Wiesbaden, où, sous la direction d’un chef sommelier passionné et dévoué, il a acquis une solide expertise dès l’âge de 22 ans. Par la suite, Marc est devenu chef sommelier dans un restaurant de deux étoiles à Hambourg.

Puis en 2017, il rejoint le prestigieux établissement Baur au Lac en Suisse, où il exerce actuellement en tant que Chef Sommelier. Sa brillante carrière a pris son envol en 2019 lorsqu’il a été désigné meilleur sommelier du monde. Il fait également partie du comité exécutif de Baur au Lac Vins, renommé pour proposer l’une des plus belles sélections de vins de Bordeaux. Chez Roland Coiffe & Associés nous sommes fiers d’être l’un de leurs partenaires à Bordeaux.

Gerda : Quels sont les aspects les plus gratifiants et les plus exigeants de votre travail au quotidien ? 

Marc AlmertPour moi, la plus belle chose dans le monde du vin est sa diversité.

Chaque jour est unique car nous dégustons des vins différents, ce qui nous permet de voyager beaucoup et de travailler à la fois avec des clients et en équipe. Aucune journée ne ressemble à la précédente, ce qui me procure une immense gratitude.

Cela me donne l’opportunité d’expérimenter quelque chose de nouveau chaque jour. En ce qui concerne les exigences, chaque métier comporte des aspects difficiles ou des périodes stressantes, mais avec une bonne équipe, ces moments sont plus supportables et permettent de surmonter ces défis.

G : Comment restez-vous en forme ?

Marc Almert: En Suisse, nous avons la chance d’avoir de nombreux lacs magnifiques et en été j’en profite pour nager. En plus de cela, j’essaie de ne pas trop manger.

En ce moment, le mois de décembre, c’est un petit peu plus difficile que pendant les autres mois. J’habite à Zurich, une ville qui n’est pas trop grande et je peux faire beaucoup de chose à vélo ce qui me maintient aussi en forme.

G : Quels sont les facteurs les plus importants pour vous lors de la sélection des vins pour votre carte des vins ?

Marc Almert: Chez Baur au Lac Vins, nous avons la chance de travailler avec beaucoup de Domaines depuis de décennies (l’établissement existe depuis 180 ans), établissant ainsi des relations étroites et durables. Si nous cherchons un nouveau vin, nous cherchons d’abord des petits Domaines Viticoles ou familiaux, plutôt que des grandes entreprises mondiales. Nous privilégions également de plus en plus des vins biologiques lors de nos recherches de nouveaux produits.

Nous nous efforçons de répondre à la demande de notre clientèle tout en maintenant des liens forts avec nos partenaires viticoles. Cette proximité est primordiale pour nous. Mario Aschwanden, notre Directeur des Achats, notre direction et moi-même voyageons régulièrement dans les régions viticoles ou lors de salons.

G : Quelles sont les attentes les plus courantes que vos clients ont envers les vins et votre expertise en tant que sommelier ?

Marc Almert: Les attentes varient en fonction du type de client. A Baur au Lac nous avons une diversité de restaurants. Par exemple, notre restaurant Le Pavillon, 2 étoiles au guide Michelin (en travaux) accueille une clientèle qui privilégie le menu dégustation avec des accords mets-vins, dans une ambiance de prestige mais détendue. 

Pour les banquets et les mariages, nous sélectionnons des vins qui peuvent plaire au plus grand nombre ou à une famille.

Lorsqu’un sommelier est présent, les clients manifestent toujours de la curiosité pour obtenir des conseils sur ce sujet. Dans l’ensemble, nos clients sont curieux et accordent leur confiance, non seulement envers moi, mais aussi envers Baur au Lac, compte tenu de nos 180 ans d’expérience. Avec une cave très fournie et une sélection de vins de qualité, nous travaillons continuellement pour préserver cette confiance.


Bordeaux & vous

 

G : Quel est votre opinion sur les vins de Bordeaux ?

Marc AlmertJe suis un grand amateur des vins de Bordeaux ayant eu la chance de travailler à plusieurs reprises dans cette région, que ce soit avec nos collègues de Baur au Lac Vins, ou avec Markus Delmonego, un autre Meilleur Sommelier du Monde et Master of Wine.

J’ai beaucoup appris sur Bordeaux grâce à lui.

Ce qui rend Bordeaux particulièrement captivant, c’est la diversité des styles de vin qu’on y découvre. C’est une région d’une grande diversité, que ce soit en termes de cépages, de millésimes, d’appellations ou de Châteaux. Il y a vraiment beaucoup à découvrir.

J’ai l’impression qu’un ce moment, Bordeaux renoue ses relations avec les Sommeliers. Je remarque une présence plus importante des Châteaux lors de nos évènements comme lors de la dernière compétition du Meilleur Sommelier du Monde à Paris. La relation est plus étroite qu’il y a 10 ans.

En général, on peut dire que Bordeaux a changé son style. De plus en plus de Châteaux s’orientent vers des pratiques biologiques, voir biodynamique, comme c’est le cas pour Château Ferrière avec lequel nous travaillons beaucoup. Cependant à Zurich le marché est plutôt classique. Les gens sont davantage intéressés par des grands noms et pas par des vins nature ou d’autres styles similaires.

 

G : Comment choisissez-vous les vins de Bordeaux pour votre carte et comment les présentez-vous à vos clients ?

Marc Almert: Nous avons la grande chance que notre directeur d’achats, Monsieur Aschwanden, ait assisté aux dégustations des Primeurs depuis 23 ou 24 ans. 

Fort de cette expérience, il est capable de discerner si un vin est prêt à être dégusté rapidement ou s’il nécessite un vieillissement. Notre hôtel bénéficie d’une cave impressionnante, à la fois sur place et dans notre boutique de vins à Regensdorf.

Cette situation nous permet de commander des vins en Primeurs, car nous avons la possibilité de les faire vieillir chez nous et de les ajouter sur la carte de Baur au Lac  au moment optimal pour en apprécier toute la saveur.

Certains vins demeurent dans notre cave pendant plus de 10 ans, en attendant d’atteindre leur apogée. D’autres, plus jeunes, peuvent être sélectionnés pour figurer sur la carte, nous offrant ainsi la chance de constituer une collection variée de millésimes pour de nombreux Châteaux.

Nous avons toujours un ou deux Bordeaux rouges disponibles au verre. Nous proposons systématiquement un vin de Bordeaux ayant entre 7 et 15 ans d’âge, afin d’illustrer à nos clients comment un Bordeaux ayant atteint une certaine maturité peut remarquablement bien vieillir, s’accordant parfaitement avec la gastronomie que nous offrons.

G : Quelles stratégies employez-vous pour mettre en valeur les vins moins connus ou sous-estimés ?

Marc Almert: Nous proposons un vin de Fronsac au verre dans notre chalet, un restaurant où l’on peut déguster de la fondue ou de la raclette durant le mois de décembre.

Le fait que nous ayons différents restaurants facilite également la mise en avant de vins moins connus.

Par exemple, dans notre brasserie, les clients recherchent davantage de bons rapports qualité-prix. Nous proposons donc beaucoup de vins provenant de Côtes de Cadillac, de Fronsac, et de d’autres appellations similaires. En revanche, dans notre restaurant gastronomique et notre brasserie, nous privilégions plutôt les Grands Crus Classés et d’autres Châteaux haut de gamme.

Notre carte reflète réellement cette différence en offrant à la fois des vins plus abordables en termes de prix et des vins provenant de Châteaux plus renommés.

G : Que devrions-nous faire à Bordeaux pour avoir une meilleure représentation sur votre liste de vins ? 

Marc AlmertEn tant que consommateur allemand, Bordeaux a l’image d’être une région de vins rouges. Je trouve cela regrettable. Il existe pourtant des vins blancs dans l’Entre Deux Mers qui ont un style plus léger et plus fruité, les Grands vins blancs de Graves et de Pessac Léognan offrent des vins plus gastronomiques et dynamiques. Par exemple ce week-end j’ai bu un Smith Haut Lafitte Blanc 1997, c’était magnifique. Malheureusement peu de clients pensent aux Bordeaux Blancs. C’est quelque chose que les négociants, les Châteaux, la région et même nous-mêmes devrions insister : « Bordeaux propose également des vins blancs formidables ».  

Certes, il y a eu une période pendant laquelle Bordeaux a eu une image traditionnelle.  Cependant, cette perception est en train d’évoluer grâce à un dynamisme. De nombreux châteaux réalisent un excellent travail pour promouvoir l’œnotourisme. Cela contribue grandement à changer cette image. Lorsque les visiteurs passent un superbe moment, ils gardent un souvenir mémorable de Bordeaux. Il est fort probable qu’une fois de retour à la maison ou lorsqu’ils vont au restaurant, ils auront envie de revivre une expérience bordelaise en commandant un vin de Bordeaux.

Il est essentiel de travailler ensemble et de renforcer les liens entre négociants, châteaux, importateurs, distributeurs et sommeliers. Cette collaboration peut grandement contribuer à mettre Bordeaux en avant. Il y a eu une période où, en raison du système unique de la Place de Bordeaux, les liens entre les propriétés, les consommateurs et les sommeliers n’étaient pas aussi étroits qu’ils le sont aujourd’hui.

 


Les tendances

G : Remarquez-vous des tendances actuelles dans le monde du vin ? Si oui, quelles sont les tendances les plus en vogue en ce moment ?

Marc AlmertEn général, je constate une forte demande pour les vins bios et biodynamiques. Je suis convaincu que cette tendance va perdurer à l’avenir.

Je crois aussi que les consommateurs deviennent de plus en plus sensibles à l’aspect biologique dans la conduite des vignobles ainsi qu’à la durabilité, dans un sens plus large. Par exemple, la Suède a décidé d’interdire l’utilisation de bouteilles trop lourdes à partir de l’année prochaine.

De nombreuses régions viticoles traversent des crises et rencontrent des difficultés à écouler leurs vins. Il est crucial de rappeler aux viticulteurs ce qu’est un vin de qualité et quelle est la véritable valeur d’un bon vin. Bordeaux peut offrir un bon rapport qualité-prix mais il faut le faire savoir.

Je crois également au potentiel des vins rosés. Nous avons observé le succès de Sacha Lichine avec son rosé du Château d’Esclans. Je pense que la demande pour les vins rosés ne se limitera pas seulement à la Provence, mais également à Bordeaux. Peut-être que cela pourrait devenir une entrée de gamme pour certains domaines et relancer la demande.

G : Beaucoup de propriétaires parlent aujourd’hui de la buvabilité. Remarquez-vous également de la part de vos clients cette recherche de plus de fraicheur et davantage de tension dans les vins ?

Marc AlmertOui et non. Je pense que c’est un thème très présent dans les médias, mais lorsque j’observe les régions ou les cépages que les clients recherchent le plus, que ce soit à l’hôtel ou dans la boutique, ce sont toujours les vins de Bordeaux, de Toscane, de Ribera del Duero, donc des vins rouges d’un style plus prononcé, avec un taux d’alcool assez élevé et un caractère fruité marqué.

Ainsi, ce sujet est traité par les médias, mais en Suisse, nous sommes encore ouverts à des styles un peu plus forts.

Cependant, il est nécessaire de s’adapter aux changements climatiques, comme l’a déjà fait Bordeaux avec l’introduction de nouveaux cépages.

Il est donc peut-être temps d’explorer de nouvelles voies, car je crois que personne ne recherche un vin avec 16 degrés d’alcool ou un Pomerol avec un taux d’alcool élevé.

Il serait peut-être judicieux de se concentrer sur d’autres cépages, de privilégier davantage le Cabernet Franc et de réduire la présence du Merlot. Ce type de décisions est déjà pris dans de nombreux châteaux et nous le verrons de plus en plus à l’avenir.

G : Comment restez-vous à jour avec les tendances changeantes de l’industrie vinicole et comment cela influence-t-il vos choix de vins ?

Marc Almert: Je ne voyage pas simplement pour découvrir de nouveaux endroits, mais surtout pour rencontrer des personnes, échanger et déguster ensemble. Je viens à Bordeaux au moins une à deux fois par an. Pendant mes voyages je ne rencontre pas seulement les producteurs mais aussi mes amis sommeliers du monde entier. Par exemple, au Danemark, où les préférences gustatives sont plus modernes par rapport à la Suisse où nous avons des goûts plus classiques, j’ai des discussions approfondies avec mon collègue danois sur les vins naturels. Ces échanges sont extrêmement enrichissants. Bien sûr, je lis également beaucoup de presse spécialisée.

G : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes professionnels qui aspirent à devenir des sommeliers de haut niveau comme vous ?

Marc Almert:  Je crois que 2 ou 3 conseils sont hyper importants. Tout d’abord, il est toujours crucial d’être curieux. J’entends souvent « non je n’aime pas ce cépage » ou « je n’aime pas Bordeaux ». Je crois que Bordeaux offre une très grande diversité, c’est donc difficile de dire, je n’aime pas Bordeaux. Il ne faut pas se fermer à quelque chose ou avoir une idée trop arrêtée. Il faut rester ouvert, car le monde du vin change tout le temps. Si c’est possible, il faut voyager beaucoup pour nourrir cette curiosité. Echanger avec des Domaines viticoles et beaucoup déguster est essentiel.

Garder une certaine discipline est également important, même si cela n’est pas l’aspect le plus attractif de notre métier. Nous travaillons beaucoup, néanmoins Il faut rester actif, regarder des vidéos en ligne et être disposer à apprendre tous les jours. En tant que sommelier, on ne peut pas prétendre tout savoir. Il y a tellement de choses à découvrir, car le monde du vin est très vaste.

G : Quel est la meilleure façon de déguster ?

Marc Almert : Il est important de commencer par utiliser un bon verre et une bonne heure. J’ai une préférence pour déguster avant midi car on est plus frais dans la tête. Il est aussi essentiel de ne pas trop déguster. Visiter un salon de vin est une excellente opportunité pour rencontrer et discuter avec des gens, et bien sûr un moyen de déguster des vins. Cependant, il ne faut pas en abuser.

Même en crachant, il est difficile de se rappeler de tous les vins et d’avoir des souvenirs gustatifs précis. Tout dépend du style de vins, mais personnellement, je pense qu’entre 40 et 60 dégustations au maximum est une bonne quantité pour se souvenir des vins.

G : Quel est votre cépage fétiche ?

Marc Almert : En tant que sommelier nous avons de la chance de déguster tellement de bonnes choses. Je n’ai pas vraiment un cépage spécifique qui se démarque, car tout dépend de son origine et du domaine qui le met en valeur. Le même cépage peut être magnifique dans un cas et beaucoup moins impressionnant dans un autre. Ainsi, dans ma cave, on trouve une grande variété de cépages différents.

G : Quel est votre vin fétiche ?

Marc Almert: Je suis obligé de vous donner la même réponse. Chez Baur au Lac Vins, nous avons plus de 3000 références donc nous avons un choix considérable. C’est là toute la beauté du vin,  il existe une telle diversité d’offres

G : Quel est, selon vous, le meilleur accord mets et vins de Bordeaux ?

Marc Almert : Encore une question qui n’est pas facile à répondre… mais je pense à un Graves Blanc avec une certaine maturité associé à un homard Thermidor. C’est un accord mets et vins classique mais magnifique. Personnellement, je suis aussi un grand fan des Sauternes. C’est dommage qu’on oublie généralement les vins liquoreux. Je trouve qu’ils se marient parfaitement avec un foie gras, même si c’est aussi un accord mets et vins classique, j’assume car il a du sens. Pour le rouge de Bordeaux, et cela dépend aussi du style mais l’agneau est un grand favori. Quand je suis à Bordeaux je mange au moins 3 fois par semaine de l’agneau. Ne pas oublier aussi la côte de veau ou la côte de bœuf qui se marient aussi si bien avec un vin rouge de Bordeaux.

G : Vous mentionnez un accord classique : foie gras et Sauternes, mais osez-vous marier du Sauternes avec de la viande ?

Marc Almert : Oui, cela peut-être très intéressant, par exemple avec un canard à l’orange. Et même du Sauternes avec des crustacés, cela peut fonctionner très bien. Par exemple, des gambas rôties avec une sauce légèrement épicée. Bordeaux est une région viticole fascinante et possède une offre très large.

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.